Faith Ϟ Danser sur mon âme n'est plus permis.

Couchée sur son lit entourée d'une moustiquaire, elle attendait sagement l'heure du dîner pour sortir de sa chambre. Faith, petite brune au regard de feu. Une photo d'école trônait sur la commode. Son enfance, une période merveilleuse qui renforçait la foi de cette gamine à l'éducation plutôt strict. Établissements privés, elle suivait l'enseignement de sœurs avec envie. La jeune fille se montrait surdouée dès la primaire. Hors de l'école, elle aimait se promener seule dans les rues de Berlin pour admirer les tours construites ainsi que la population qui vivait à des années lumières de ses mœurs. Souvent, la gamine se demandait ce que ses personnes trouvaient d'épanouissant dans leurs vies. Des téléphones portables, du maquillage ou de l'alcool. Faith préférait les fleurs, la nature qui savait communiquer ses émotions. Le vent qui caressait ses cheveux avant d'atteindre ses joues rosées. Des sensations que l'argent ne procurait pas. La belle brune se voulait modelée à l'image de ses parents. La famille Becker, nom attribué aux boulangers dans un temps bien révolu. D'origine purement allemande, les valeurs religieuses y régnaient depuis la nuit des temps. Son prénom, Faith, ne faisait que renforcer sa destinée. Servir son dieu, lui consacrer son amour ainsi que son existence. Vivre pour lui. Atteindre la paix intérieur. Prouver sa foi chaque jour. Des ambitions qui illuminaient la vie de cette gamine.

L'heure de dîner s'approchait à grands pas. Elle se levait subitement, écrasant les plis de sa robe à l'aide de sa main avec beaucoup de soin. La belle brune jetait un œil à son reflet. Un visage innocent, une peau blanche parsemée de tâches rouges qui lui donnaient un certain charme. Sa robe blanche, une tenue qu'elle adorait porter pour les fêtes de famille. Elle était fille unique, la plus grande fierté de son père. A ses dix ans, il lui offrait un bracelet de grandes valeurs. Un cadeau qui ne quittait plus son poignet. En 2007, les Becker quittait l'Europe pour s'installer au cœur de Londres après les révélations qui s'abattaient sur le monde tandis que Faith entamait ses études de droits. Faire justice. Défendre les qualités et les actes d'une personne même quand tout se retournait contre elle. La jeune femme y trouvait du plaisir. A côté de cela, ils regagnaient une secte qui partageait leurs croyances. S'isoler un peu plus du monde. Entrer dans une communauté. L'idée semblait séduisante. Tous les membres de la paroisse s'en réjouissaient. Les années passées, la foi régnait en maître dans cette famille bien loin de ce monde qui se voyait sombrer dans les méandres des enfers. Personne ne pouvait séparer l'étudiante de ses convictions. Tant d'hommes essayaient, tous finissaient par trouver une proie plus facile à désamorcer.

Elle s'avançait vers le salon. La table se dressait sous ses yeux. Sa mère se chargeait de tout, le regard vide. Faith sentait une tension s'immisçait dans la pièce tandis qu'elle prenait place comme chaque soir. Son père en faisait de même avant de finalement gagner la cuisine. « C'est pour ce soir. » Les paroles de son géniteur raisonnaient dans l'esprit de la gamine. Elle s'attendait à un dîner de fête avant de célébrer un événement spécial. Pourtant, les douces odeurs de la cuisine allemande ne faisaient pas leurs entrées. Trois coupes de rosées à la main, son père en plaçait une devant chaque place. L'alcool se voulait rarement présent en début de repas. Faith s'en trouvait en joie, cela devait être un jour de fête. Peut-être aurait-elle un présent de cet homme qu'elle admirait. Pourtant, les paroles manquaient à ce dîner. Le père Becker caressait une dernière fois la joue de son enfant avant de lever son verre. « Pour dieu. A des jours meilleurs. » Il souriait à Faith tandis qu'elle trempait ses lèvres dans ce poison. Elle ne tardait pas à s'écrouler, vide de toute âme. La confiance aveugle en son père lui ôtait la vie. Le poison pourrissait son organisme. Mourir. Partir avant même d'avoir fait ses preuves dans ce monde. Alors que son corps gisait sur le sol, les Becker s'embrassaient puis s'exécuter. Ils finissaient leurs verres. Suivant les consignes de cette secte qui anéantissaient une centaine de vies en une soirée. Des gens dévouaient, en quête d'un monde idéaliste. Le gourou promettait le paradis. La terre ne serait qu'enfer au fil des années. Il voyait le mal en chaque être humain. Lui passait de maison en maison pour constater les décès avant de quitter le pays. Un escroc qui se jouait des honnêtes gens. Faith quittait ce monde sans y avoir vraiment vécue. Une âme en peine, une fillette aux rêves oubliés.

Seulement 200 mg de cyanure de potassium versés dans un verre de boisson suffisent pour tuer en moins d'une minute.

La mort trouvait un idéal dans la paroisse où la famille Becker donnait de son temps. Un monde meilleur, nos proches disparus. Le paradis. Une promesse qui émerveillait plus d'un croyant. Il coulait dans ses veines, dans l'essence même de son être. Un poison qui ne faisait pas dans la dentelle, dilué dans un rosé des plus banale. Trois cents milligrammes dévastaient son organisme tandis que son corps présentait les premiers symptômes. Convulsions. Ce corps frêle qui vacillait sur la chaise pour atterrir sur le tapis du salon. Le manque d'oxygène, l’impossibilité de hurler sa douleurs. Elle ne pensait à rien, le regard vide de toutes émotions. Son père penché sur son corps à présent inanimé, la noirceur se lisait dans son âme . Le néant, cette sensation de ne plus être. En quelques secondes, la mort foudroyait cette femme qui priait chaque matin. Le poison s'emparait de son reste, de sa chair tendre et de son palpitant alors qu'elle quittait déjà ce monde. Sa robe blanche chaste et ses ballerines neutres ne renfermaient plus qu'un corps sans vie. Un corps qui ne contenait plus que de l'eau et des organes qui se mourraient à vitesse éclaire. Une neutralité affichée sur son visage, à croire que la mort ne la dérangeait pas. La brebis venait de se faire abattre par le plus croyant de la paroisse.



Une bouffée d’air comme à sa naissance puis le néant qui se déroulait sous ses yeux. Elle se trouvait seule dans une chambre d’hôpital, entourée de machines qui contrôlait tous ses paramètres vitaux. Enfant de Dieu qui reprenait vie quand on croyait son sort scellé. Puis deux médecins qui couraient jusqu’à sa chambre, jusqu’à celle qu’on appelait à présent la rescapée du massacre de Londres. Pendant trois jours, on lui faisait une batterie de tests. Le cyanure se dissipait dans son carmin, aucune anomalie ne pointait le bout de son nez. La gamine, elle respirait simplement l’envie de vivre. De se battre. De devenir quelqu’un. Mais il y avait la haine, ce sentiment nouveau qui aspirait son regard de biche mais surtout cette innocence qui se noircissait à vue d’oeil. Faith, elle détestait ce père qui lui volait sa vie ainsi que sa mère. Ses parents qui préféraient mourir plutôt que d’affronter ce monde. Faith, elle entamait un nouveau chapitre de sa vie. Après sa sortie d’hôpital, elle se confinait quelques mois en Louisiane pour échapper aux journalistes qui voulaient rencontrer la survivante. Celle qui connaissait ses douloureuses vérités. Une vie qui commençait doucement à se calmer alors qu’elle se tenait toujours à l’écart du monde comme on lui apprenait plus jeune. Faith, elle ne côtoyait personne à l’université et restait la curiosité des étudiants. Âme enfantine qui se méfiait encore de son ombre.

Mais que faisait-elle ici, dans une ville où les erreurs semblaient monnaie courante. Faith, elle ne laissait jamais rien au hasard. Elle voulait vivre, se laisser bercer par tout ce qui fascinait les humains. Ses créatures que la bible reniait, ses démons qu’elle ne pouvait atteindre à travers le monde. La brune, elle voulait répandre la foi dans un univers oublié. Elle voulait les guérir ou simplement, leur donner un chemin bien moins obscure. Faith, c’était cette petite fille qui croyait encore qu’une prière pouvait exaucer ses souhaits. Elle ne se voyait pas comme une proie facile dans cette ville mais plutôt comme celle qui prêcherait la bonne parole. Elle y croyait, elle pensait changer les mentalités. Faith, elle aimait tous le monde. Pour elle, chacun possédait cette part d’ombre mais aussi la bienveillance qui lui faisait contraste. Qu’importe, la jeune femme rêvait d’aventure et s’engouffrait dans cette ville les yeux fermées. Elle n’y croyait pas vraiment, à vrai dire, à ce berceau de créature. Pour elle, ce n’était que des personnes qui rêvaient une fois de plus de faire parler d’elle. Coupée de télé depuis l’enfance, lisant simplement des journaux bibliques, elle découvrirait certainement que les enfers prenaient possession de la terre.